[Article écrit le 17 Février 2013]

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Résumé : L’objet de cet article est de décrire le métier naissant de Community Manager et d’analyser comment il est devenu en si peu de temps un acteur important dans l’organigramme des grandes entreprises. Les apparitions de « bad buzz » sur les médias sociaux ont incité les entreprises à adopter une communication particulière sur ces réseaux. Dans un premier temps confiée au stagiaire ou à un jeune employé, la gestion des communautés du web est désormais l’affaire d’un spécialiste, le Community Manager. Ce travail demande des compétences variées, autant sociales (écoute, aisance relationnelle, charisme, diplomatie), commerciales (marketing, créativité, veille), que rédactionnelles. Le Community Management représente un enjeu de taille pour l’entreprise : en se rapprochant de ses consommateurs, celle-ci limite l’apparition de crise et améliore par la même occasion sa réputation.

Astract : The aim of this article is to describe the new job of Community Manager and to analyze how it has become in such a short time an important player in the organization of large companies. The rise of « bad buzz » on social media have encouraged companies to adopt a particular communication on these networks. Initially assigned to students or young employees, managing web communities is now the job of a specialist, the Community Manager. This work requires a variety of skills, both social (listening, interpersonal skills, charisma, diplomacy), business (marketing, creativity, strategic surveillance), that editorial. Community Management is a major challenge for the company : getting closer to its consumers, it limits the emergence of crisis and at the same time improves its reputation.

Mots-clés : Community Management, Community Manager, Communautés du web, Communication de crise, E-reputation, Médias sociaux, Réseaux sociaux, Marque, Marketing, Webmarketing, Digital natives, Veille concurrentielle, Veille stratégique, Web 2.0

Key Words : Community Management, Community Manager, Web Communities, Crisis Communication, E-reputation, Social Media, Social Networks, Brand, Marketing, Webmarketing, Digital Natives, Competitive Intelligence, Strategic Surveillance, Web 2.0

 

 

De l’importance des réseaux sociaux dans le monde des entreprises

 

Depuis 2004 et son lancement, Facebook a bouleversé le monde de la vie active. Adopté massivement en France en fin d’année 2008, le plus grand réseau social du web a depuis suscité louanges, interrogations et plus récemment vives critiques. En jeu, la vie privée de l’internaute. Car il faut dire que depuis l’avènement du web 2.0, la vie privée des internautes est de plus en plus exposée sur la toile. Quand on sait que dorénavant les recruteurs n’hésitent pas à regarder en premier les comptes des candidats sur les réseaux sociaux, cela fait désordre. Et peut avoir des conséquences désastreuses sur la réputation et l’employabilité de ces derniers.

La surveillance de son « e-réputation », entendez la réputation que l’on construit sur le web, est également valable pour l’entreprise d’aujourd’hui. Les réseaux sociaux sont devenus un enjeu majeur, que ce soit pour des candidats en quête d’une solide réputation ou pour des entreprises exposées aux critiques permanentes de ses parties prenantes1.

Si les entreprises n’ont pas de suite compris l’enjeu des réseaux sociaux, c’est suite à des affaires qui ont sali leur réputation qu’elles ont intégré l’importance de surveiller leur e-réputation et d’instaurer une vraie communication sur les médias sociaux. Faire de la vieille ne suffit plus, il faut désormais savoir interagir efficacement sur le web avec les acteurs de l’entreprise. Et cela n’est pas à la portée de n’importe qui.

Nombreuses sont les entreprises qui n’ont pas su gérer le potentiel de réaction des réseaux sociaux. L’affaire la plus évocatrice concerne Nestlé. En mars 2010, Greenpeace lance une campagne pour dénoncer l’utilisation d’huile de palme issue de la destruction des forêts tropicales et des tourbières indonésiennes dans la fabrication de certains produits Nestlé. Greenpeace crée ainsi un site parodiant le Kit-Kat de la marque.2 Et y poste une vidéo parodique reprenant le slogan qui l’accompagne, « Have a break », où le personnage principal, un employé de bureau qui n’attend qu’un peu de répit, prend sa pause avec un paquet de Kit-Kat rempli.. de doigts d’orang-outang. Qu’il mange le plus naturellement du monde. Le message de la fin de la vidéo est plus explicite : « Give the orang-utan a break… Nestlé, non à l’huile de palme issue de la déforestation tropicale » et se finit sur cette image insupportable d’un doigt d’orang-outan qui baigne dans son sang, juste à côté du paquet de Kit-Kat. Humour noir, telle était la stratégie de Greenpeace pour faire passer leur message et inciter Nestlé à cesser ses activités participant à la destruction de la forêt indonésienne.

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Mais le message n’est pas passé chez le groupe suisse, qui demande et obtient illico-presto la suppression de la vidéo, officiellement pour « atteinte à sa propriété intellectuelle ». Mauvaise stratégie. En agissant ainsi Nestlé donne du poids et une certaine véracité aux propos de Greenpeace. Et déclenche surtout la propagation de cette affaire sur les réseaux sociaux. En effet, Greenpeace ne baisse pas les bras, re-poste la vidéo sur la plate-forme et réseau social Vimeo, spécialisé dans le partage de vidéos amateurs, tout en incitant les internautes à prendre part à la mobilisation. Le buzz est lancé. Les internautes se mobilisent en masse sur la toile, font circuler la vidéo, envahissent la page Facebook de Nestlé et expriment leur mécontentement, jusqu’à reprendre le détournement du logo Kit-Kat, changé pour l’occasion en « Killer » par Greenpeace, sur leur photo de profil.

Très vite les médias repèrent le buzz et font circuler l’information. Il n’aura fallu que quelques jours pour que tout le monde soit au courant de l’affaire. Après avoir censuré la vidéo de Greenpeace et provoqué l’indignation de ces derniers, Nestlé réagit encore une fois de façon agressive en demandant sur sa page Facebook de ne pas utiliser le logo détourné. S’en suit des commentaires de mécontentement et un dialogue de sourds avec l’entreprise. Trois jours après avoir totalement disparu de la circulation, Nestlé poste sur les réseaux sociaux : « Social media : as you can see we’re learning as we go. Thanks for the comments. » Après cette période de troubles, l’entreprise présente donc ses excuses sur Twitter et Facebook et avance qu’elle arrête toute collaboration avec les producteurs d’huile de palme qui ne s’inscrivent pas dans une logique de développement durable. Une réaction quelque peu tardive ; entre mars et mai 2010, la vidéo de Greenpeace a été vue plus de 1,5 million de fois. Même si depuis Greenpeace insiste sur le fait que les engagements pris sont insuffisants, cette affaire a donné du crédit à sa campagne. Les réseaux sociaux en sont les premiers acteurs.

Comme le souligne Emmanuel Bloch, ils ont tous plus ou moins joué un rôle à leur façon : Youtube a apporté le côté viral avec la diffusion du film, Facebook a servi de plate-forme où se sont retrouvés adhérents à la cause et partie prenantes, Twitter créant le phénomène grâce à une « dissémination très rapide et importante de l’information » (grâce aux retweets et aux mentions). (Bloch, 2012)

L’affaire Nestlé est forte en enseignements : tout d’abord, les réseaux sociaux sont un terrain idéal pour faire circuler instantanément et massivement un message. Ensuite l’affaire a mis en évidence l’énorme pouvoir de décision des utilisateurs des médias sociaux, qui n’hésitent pas à se faire entendre quand cela est nécessaire. Enfin l’affaire témoigne que quand l’entreprise adopte une mauvaise communication sur les médias sociaux, cela se retourne irrémédiablement contre elle.

Plus récemment, c’est l’entreprise Cuisinella qui a fait l’objet d’un énorme « bad buzz » [que l’on pourrait définir par mauvaise publicité] sur le web en y diffusant une publicité de très mauvais goût (la vidéo mettant des personnages fictifs dans une mise en situation de décès, et se finissant par le slogan « N’attendez pas pour en profiter »), retirée quelques heures après avoir constaté l’avalanche de réactions négatives sur les réseaux sociaux. La métaphore de l’avalanche n’est pas exagérée et illustre parfaitement la caisse de résonance des réseaux sociaux. Il suffit juste de taper « Cuisinella » sur Google pour s’apercevoir que la première page n’est désormais consacrée qu’à ce fâcheux épisode. Les entreprises d’aujourd’hui n’ont cas de se tenir.

Barack-Obama

Les réseaux sociaux ne sont cependant pas qu’une menace pour les entreprises. Ils représentent également un formidable terrain de publicité, de conversation et peuvent contribuer à embellir leur réputation. Une facette trop souvent oubliée par les entreprises. On ne s’empêcher de penser à l’importance que porte Barack Obama, précurseur politique en la matière, pour les réseaux sociaux, lui qui est surnommé le « « roi des réseaux sociaux », utilisant Facebook, MySpace, Twitter, LinkedIn, Digg, Flickr et Wikipédia dans sa campagne, pour ne citer que les plus populaires. L’équipe de communication d’Obama a dès le début compris l’intérêt et l’émergence des réseaux sociaux et plus particulièrement les avantages qu’ils pouvaient apporter au candidat. » (Balagué, 2012) L’influence des réseaux sociaux dans la victoire présidentielle est indéniable. Il suffit de regarder le poids des jeunes et des « latinos » dans la décision finale. Deux catégories de population avec qui l’actuel président a tout fait pour favoriser l’échange sur les réseaux sociaux, créant par exemple spécialement un site pour les latinos3.

Pourquoi un tel pouvoir de décision de la part des réseaux sociaux ? Car le web, et avec lui son public, a changé. Exit les « internautes » passifs du web 1.0, place aux « webacteurs » du web 2.0, véritables acteurs engagés et caractérisés par « leur capacité à produire, à agir, à modifier, à façonner le web d’aujourd’hui. Les internautes utilisaient l’internet. Les webacteurs le façonnent avec le contenu qu’ils génèrent et leur capacité de l’organiser ». (Pisani, 2011) Ces nouveaux acteurs sont ceux qui n’hésitent pas à relayer l’information et à se faire entendre. Ce sont ceux qui relaient la vidéo de Greenpeace ou qui râlent contre la politique de confidentialité de Facebook. Il sont nés avec le net et cette envie de partager l’information dès qu’ils la reçoivent ; ce sont ceux qu’on appelle communément les « Digital Natives ». Et ils sont à prendre en compte dans la nouvelle sphère communicationnelle d’aujourd’hui.

Nous l’avons vu, les réseaux sociaux offrent une extraordinaire capacité de mobilisation, qui peut être soit destructrice ou soit génératrice pour l’image de l’entreprise. Une extraordinaire capacité de mobilisation en nombre d’internautes et à une vitesse quasi instantanée. Les réseaux sociaux ont inventé un mode de communication plus direct, plus pulsionnel. Les réseau sociaux « permettent désormais de toucher directement l’opinion sans forcément être obligé de passer par un relais médiatique » ajoute Emmanuel Bloch. Prenons l’exemple de Twitter, source privilégiée des journalistes. Ce qui se passe sur Twitter, c’est l’actualité chaude, les réactions populaires en instantané. Toujours selon Emmanuel Bloch, « son fonctionnement favorise trois critères fondamentaux dans la propagation de crise :

  • la simplification

  • l’urgence (immédiateté, info chaude)

  • la dissémination » (par le principe des retweets) (Bloch, 2012)

Le pulsionnel, l’instantané, c’est ce qui semble caractériser l’activité de ces « webacteurs ». En effet, les réseaux sociaux fonctionnent énormément sur l’ « affect », se caractérisent par la violence et l’émotion des propos et s’avèrent donc être « d’efficaces caisses de résonance pour des sujets sensibles. » (Ibid.) Les réseaux sociaux font désormais partie intégrante de la société. Pour toutes ces raisons, les entreprises s’y voient obligées de faire une veille très attentive et d’y mener une communication adéquate. De nos jours, « les logiques de société l’emportent de plus en plus sur les logiques de marchés »,4 il est donc essentiel pour l’entreprise de se déplacer dans ce nouveau foyer de vie pour les consommateurs. Le web 2.0 a élargi les terrains de crise potentielle et la communication de crise de chaque entreprise doit dorénavant prévoir celle des réseaux sociaux.

 

 

Les médias sociaux, nouveau foyer des consommateurs

 

L’e-réputation fait désormais partie intégrante de la réputation d’une entreprise car comme nous l’avons vu précédemment, une mauvaise réputation sur le web peut avoir de désastreuses conséquences.

L’étude de la « Corporation Reputation Review », publiée par le « Reputation Institute » souligne que la réputation a un impact sur la réussite de l’entreprise. « Une réputation positive attirera plus facilement les clients, facilitera la recherche d’investisseurs, jouera sur l’avantage compétitif, aidera le recrutement en attirant les talents… À l’inverse, une réputation négative rendre les parties prenantes moins favorables […] avec des conséquences sur la conduite des affaires (difficulté à être référencé, […], attraction moindre auprès des jeunes diplômés…) » (Bloch, 2012). Première raison, de la part des entreprises, de songer à améliorer leur e-réputation.

La deuxième raison vient des consommateurs. Ces derniers expriment la volonté d’être régulièrement en contact avec les marques sur les réseaux sociaux. « Dans une étude [Cone Business in Social Media Study, 2008] […], Cone LLC […] rapporte que 93% des sondés attendent des marques dont ils consomment les produits qu’elles soient présentes sur les médias sociaux. 83% estiment de surcroît que ces marques devraient interagir régulièrement avec leurs clients par le biais de ces médias sociaux. Le mode de communication le plus réclamé au final (43% des sondés) est celui des médias sociaux, pour obtenir plus de service client et impliquer les clients dans le développement et l’adaptation des produits. » (Chéreau, 2012).

L’autre raison vient du fait que depuis 2007, les grandes entreprises françaises connaissent une baisse de fréquentation de leurs sites Internet institutionnels, pendant que la population du web croît à une vitesse exponentielle. Les consommateurs préfèrent désormais les médias sociaux pour se faire entendre, et c’est sur ce terrain que doit s’engager l’entreprise. Une partie de sa réputation se joue ici : expositions d’avis, demandes d’échanges, propositions, les réseaux sociaux sont une représentation fidèle de l’attente des consommateurs. « L’enjeu est d’importance car les opportunités pour les entreprises et les organisations sont nombreuses : promouvoir l’organisation, communiquer autour de sa marque et générer du buzz, développer des communautés virtuelles et des groupes de fans, mettre en place des stratégies de conversations et des applications dans un objectif précis (recrutement de nouveaux consommateurs, fidélisation, communication d’une positionnement, offre promotionnelle, etc.), tester des concepts auprès de panels, améliorer la gestion de la relation client ainsi que les réseaux internes, favoriser le recrutement de partenaires, fournisseurs ou collaborateurs… » (Balagué, 2012)

La dernière raison pour l’entreprise à améliorer son e-réputation, et certainement la plus importante, est celle de la possibilité à faire circuler de l’information et générer du buzz, permis par l’extraordinaire capacité de mobilisation des réseaux sociaux.

Trois raisons pourraient expliquer ce choix : 

  • « L’audience explosive des réseaux sociaux, qui en fait un média à part entière.

  • La puissance de viralisation des informations, un internaute sur Facebook par exemple n’hésitant pas à propager une information très simplement à l’ensemble de ses amis.

  • La troisième est le rêve de tout manager en marketing : faire de la publicité quasi gratuitement. Passer par un réseau social coûte évidemment moins cher que de financer une opération de communication avec les médias traditionnels, en particulier la télévision où l’achat d’espace reste très onéreux. » (Balagué, 2012)

 

 

Les crises du web et la nécessité d’un Community Manager

 

Les « bad buzz » ont montré la nécessité d’avoir des réactions adéquates sur les réseaux sociaux. La communication sur les réseaux demande une utilisation particulière, un langage adapté, une certaine compétence en somme. Les entreprises ont petit à petit délégué la gérance des communautés des réseaux sociaux à une personne spécialisée, le « Community Manager ».

Le métier de Community Manager n’est pas connu de tout le monde, et pour cause, il commence tout juste à se développer. À titre de témoin, aucune formation ne prépare directement à ce nouveau métier. Il est né avec le Web 2.0 et, comme ce dernier, son rayonnement s’accroît à une vitesse vertigineuse.

Dans l’équipe du tout nouveau président des États-Unis, Monsieur « le roi de réseaux sociaux » Barack Obama, ce n’est pas moins de 750 Community Managers qui contribuent à sa notoriété et qui ont œuvré pour la victoire des présidentielles. Prouvant ainsi leur impact grandissant sur la société d’aujourd’hui.

Comment donc définir ce nouveau métier ? Pour faire une définition simple, le Community Manager est le représentant d’une marque, personnalité ou entreprise sur les réseaux sociaux. Son rôle principal est d’animer, fédérer et échanger avec les communautés du web qui leur sont consacrés. Les entreprises ont véritablement compris l’importance de communiquer sur le web, et d’intégrer de ce fait un Community Manager à part entière dans leur organigramme, depuis 2011, ce qui est donc très récent.

Les récentes crises nées sur les réseaux sociaux ont montré leur importance. Dans le cas de Nestlé, c’est l’agressivité des propos du Community Manager qui a accentué la crise. Les crises survenues sont souvent dues à une mauvaise réaction du Community Manager : agressivité, absence de réaction, absence de volonté d’échange, langage et propos décalés avec celui des consommateurs. Comme le rappelle Emmanuel Bloch, « Les entreprise qui sortent le mieux des situations de crise sur internet, sont à chaque fois celles qui connaissent le mieux leurs communautés, leurs clients, bien au-delà de quelques critères sociologiques qui ont de moins en moins d’utilité. » (Bloch, 2012) L’exemple de Nestlé en est la parfaite illustration. Cette crise a relevé le rôle crucial du Community Manager dans la communication de crise, lui le « porte-officiel » légitime de la marque sur le web. Quand il parle, c’est au nom de la marque. Tous ses propos sont lui sont donc associés. Pour ces raisons, il est important de posséder dans son organigramme un Community Manager compétent. Il fut un temps où le chargé de communication ou marketing s’en occupait personnellement, avant que le travail de « Community Manager » ne soit évoqué. Aujourd’hui, la tâche se professionnalise et est confiée à un spécialiste.

 

 

Le Community Management, un métier à multiples facettes

 

Après avoir défini le métier de Community Manager, il est intéressant d’en analyser les compétences requises. Nombre d’entreprises ont légué l’exercice de la gestion des communautés à quelqu’un de jeune, car « censé savoir utiliser les réseaux sociaux ». En réalité, le rôle du Community Manager est beaucoup plus complexe que ça. Paul Cordina, chef de produit CRM chez Nestlé  nous résume les compétences de ce nouveau métier : « Le community manager est à la croisée de plusieurs métiers (CRM, marketing, communication, veille concurrentielle, gestion de l’e-reputation). Les missions qui lui sont confiées sont donc transversales. […] Curieux et passionné, il doit avoir une culture des réseaux sociaux, une compréhension de la stratégie de l’entreprise et une connaissance de son histoire, une culture générale et une bonne connaissance de l’actualité. » (Balagué, 2012)

Les missions du Community Manager sont multiples : il a la responsabilité de donner une image fidèle et attractive de la marque sur les médias sociaux. Pour se faire, il est chargé de développer une communication et une écoute particulière avec la communauté du web dédiée à la marque. Une écoute particulière qui s’intègre dans son travail de veilleur pour l’entreprise.
Dans cette optique, le Community Manager va
identifier et convaincre les « webacteurs » d’influence, que ce soit les blogueurs à la plume engagée, les internautes charismatiques ou encore les journalistes acquis à une cause. Enfin, cela va de soi, son travail doit contribuer à l’amélioration de l’e-réputation de son entreprise.

Matthieu Chéreau recense 5 métiers au sein même du métier de Community Manager :

Marketing : « Le premier métier du Community Manager est de marketer une marque, autrement dit d’œuvrer à sa promotion et à celle de ses produits de différentes manières. »

Communiquer la marque et à ses potentiels marques, la promouvoir, crée des espaces dédiés. Dénicher et maintenir le contact avec des membres influents, les nommer ambassadeurs. Donner de la liberté d’action ([les utilisateurs] peuvent créer leur listes, collections, profil..).

Chargé des relations publiques : récompenser les plus actifs en les nommant ambassadeurs ou en leur donnant un rôle, user la diplomatie avec les mécontents.

Assurer le service client : « Animer une communauté, c’est […] être avant tout à son service. » […] Anticiper les besoins et demandes, donner la possibilité d’exprimer librement ses problèmes et attentes […].

Assurer le développement commercial : identifier les clients, faire remonter les questions au service spécialisé.

Chargé de la Communication Internet : faire circuler l’information, échanger dessus, donner le pouvoir d’échanger dessus, s’adapter aux changements (outils, modes de communication..). Recueillir les idées des salariés, dialoguer avec eux. Inciter les personnes de l’entreprise à communiquer sur le site ou à travers des blogs. » (Chéreau, 2012)

Ainsi le Community Manager n’est pas simplement un connaisseur des réseaux sociaux. C’est avant tout celui qui met tout en œuvre pour faire vivre la communauté et faire perdurer le lien avec l’entreprise. La polyvalence des compétences est de mise : il connaît l’actualité, le fonctionnement et les outils des médias sociaux mais est aussi doté d’une aisance rédactionnelle et relationnelle. Rédacteur, attaché de presse, chargé de communication, il est l’homme à tout faire de l’entreprise.

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Le premier objectif à accomplir pour le Community Manager, c’est de réussir son intégration au sein de la communauté. Son capital social entre en jeu. Le ciment des réseaux sociaux étant l’échange, il est indispensable pour lui d’être à l’aise dans l’exercice de la conversation. Ceci suppose la mise en pratique d’un langage adapté aux membres de la communauté et aux réseaux sociaux. La « langue de bois » ou un discours trop professionnel risquerait de créer un décalage avec les membres. Le Community Manager doit au contraire faire partie des leurs. Une grande réactivité lui est demandée car, comme nous l’avons vu, l’absence de réaction immédiate peut créer un certain malaise au sein de la communauté. Ses réponses aux sollicitations doivent être autant rapides qu’efficaces, montrant ainsi son intérêt et son attachement à la communauté. La crise peut en effet venir du fait que l’entreprise n’ait pu satisfaire la demande d’un client : « l’incompréhension s’est alors transformée en insatisfaction puis en mouvement de protestation. » (Bloch, 2012). Au nom de la marque, le Community Manager prend en compte les remarques, avis, mécontentements exposés et tente d’y apporter une solution. Les avis des consommateurs exposés sur les médias sociaux sont à prendre très au sérieux. Selon une recherche de Convergys Corp, une critique négative sur YouTube, Twitter ou Facebook peut coûter jusqu’à 30 clients à l’entreprise5 et selon celle de Nielsen, les avis des consommateurs en ligne sont jugés comme crédibles par 70% des internautes.6 Tout ceci incite le Community Manager à limiter la propagation d’avis néfastes pour l’image de l’entreprise, en instaurant notamment un dialogue avec les principaux concernés.

La disponibilité est le maître mot du Community Manager. Être à l’écoute, donner la parole, structurer et favoriser l’échange, encourager les membres, les rendre importants dans le dispositif, autant de rôles qui deviennent progressivement des habitudes pour le Community Manager. Pour rendre cette interaction effective, il dote la communauté d’une certaine organisation (règles, portes paroles, événements rassembleurs, lieux de réunions, ambassadeurs, foire à revendications..). Comme le rappelle justement Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook, « On ne crée pas une communauté. Les communautés existent déjà et elles font ce qu’elles veulent ».7 Une bonne communauté est une communauté qui vit, qui échange, où personne n’est laissé de côté. Ainsi le travail du Community Manager est de faire vivre cette communauté, en multipliant les demandes d’interaction de façon originale et sur fond d’humour. L’imagination, la créativité, l’humour et l’innovation dans les supports d’interaction renforcent l’intérêt des membres pour la communauté, qui n’hésiteront pas à en faire l’éloge sur les médias sociaux.

Il assure par la même occasion la transition avec son entreprise. Grâce au web d’aujourd’hui : tout le monde est averti en temps réel des agissements de telle ou telle entreprise. Ce qui oblige ces dernières à une transparence accrue, l’internaute étant suffisamment informé pour vérifier les dires de l’entreprise. Une logique de transparence que reprend le Community Manager : il est fondamental que toutes ses intentions, ses envies, ses projets, tous ces changements d’organisation soient expliqués avec franchise. Il suffit de peu pour que la communauté s’inquiète et donc s’enflamme.

Comme le souligne Matthieu Chéreau, le (bon) Community Manager n’agit jamais seul. Et c’est ici qu’il doit puiser dans la force de mobilisation et de solidarité des réseaux sociaux. En nommant des ambassadeurs, il se met de son côté des relais dévoués d’information. Notre société est calquée sur le système du « don contre don », le système qui régit les réseaux sociaux. En donnant un rôle aux membres, ces derniers se sentent importants, utiles, contrastant sûrement avec l’anonymat de la vie de tous les jours. Comme le confirme Emmanuel Bloch, « le fait qu’un représentant d’une entreprise ou d’une marque contacte directement un internaute est souvent vécu de façon très positive par ce dernier, cela lui donne en effet une reconnaissance soudaine et démontre qu’il est pris au sérieux » (Bloch, 2012). Pour cette raison, le membre va intuitivement aider le Community Manager dans ses tâches et devenir son fidèle allié. Comme illustration, prenons le cas du directeur de la communication « Yahoo ! » Christophe Pelletier (2007-2011) qui, pour avoir une veille efficace, s’entretenait régulièrement avec des internautes fans de « Yahoo ! ». Ces derniers n’hésitaient pas à lui envoyer des messages dès lors que l’on parlait de la marque, lui assurant ainsi une veille résolument précise et actualisée. En maintenant le dialogue, en donnant un rôle et une activité aux membres, le Community Manager s’entoure de fidèles alliés qui lui allègent le travail et assurent une bonne publicité pour l’entreprise, limitant par la même occasion l’apparition de crise.

Enfin, le Community Manager effectue un travail permanent de veille stratégique. Le métier du Community Manager est métier naissant qui doit constamment s’adapter aux mises à jour des médias sociaux et de ses outils. Il est évident que les communautés s’inscrivent également dans cette logique de renouvellement perpétuel et ne pas être au courant des dernières mises à jour induirait un décalage fâcheux. Dans cette optique, le Community Manager est passionné par l’actualité des médias sociaux et sait constamment se remettre en question. La veille des médias sociaux se fait, entre autres, sur Twitter en suivant les spécialistes et passionnés de la matière qui relaient les mises à jours, ainsi que sur les blogs et sites spécialisés dans le Community Management. Je pense aux sites My Community Manager (www.mycommunitymanager.fr/) et Le Blog du Modérateur (www.blogdumoderateur.com/), pour ne citer qu’eux.

Ceci se rajoute à son travail de veille initiale, qui consiste à relever et tirer des conclusions sur ce qu’il se dit à propos de l’entreprise sur le web. L’identification des blogueurs ou « webacteurs » d’influence est donc primordiale, car ce sont eux qui lancent les « bad buzz ». L’enjeu d’un dialogue permanent est la mise en place d’une coopération, rendant ces parties prenantes moins hostiles et moins dangereuses pour l’entreprise.

La veille se fait également par le biais d’outils de vieille automatique, tels Google Alertes, SocialMention, plus spécialisés réseaux sociaux avec Twitter Search & Facebook Search, plus centré sur les blogs et les forums pour Technorati, Google Blog Search, Board Tracker, instantanée avec Linkinfluence… la liste est longue, les ressources ne manquant pas pour ce nouveau métier.

 

 

Conclusion

 

Les crises nées des réseaux sociaux ont mis en lumière, pour les entreprises, la nécessité d’adopter une communication particulière sur ces médias. Ceci s’est traduit par la naissance d’un métier précisément dédié à la gestion des communautés du web : le Community Manager. Celui-ci, véritable homme à tout faire et porte-parole de l’entreprise sur le web, a pour mission de faire vivre ces communautés. C’est lui qui donne une image humaine de la marque sur le web, en échangeant constamment avec les consommateurs, en leur donnant de l’importance et en les alimentant de façon originale et plaisante. Disponibilité, réactivité, écoute, curiosité et créativité sont ses maîtres mots. La dimension sociale du métier est très forte : après s’être intégré dans la communauté, le Community Manager sait s’entourer de membres dévoués et y maintenir l’interaction. Pour l’entreprise qui l’emploie, l’enjeu est de taille : en agissant ainsi sur le web, elle limite l’apparition de crise majeure et améliore son e-réputation.

Les perspectives du métier sont nombreuses, les domaines d’applications étant pour l’instant limités, principalement aux grandes entreprises et aux agences de communication. Les PME, qui ne semblent pas avoir encore saisi l’importance des médias sociaux dans leur stratégie de communication, par manque de temps ou d’intérêt, pourraient profiter des avantages stratégiques qu’offre le Community Management. Dans une autre optique, la future bataille politique pourrait se jouer en partie sur les réseaux sociaux, et quand on voit l’importance qu’ont eu ces derniers dans la dernière élection présidentielle américaine, les Community Managers auront leur mot à dire dans l’échiquier politique. Le monde de la culture pourrait également profiter de l’extraordinaire capacité de publicité gratuite qu’offrent les réseaux sociaux. Tout est une question de temps, le métier étant encore dans une phase de développement.

 

 

 

Bibliographie

 

Ouvrages

Balagué C., Fayon D., Serfaty D. Facebook, Twitter et les autres… : intégrer les réseaux sociaux dans une stratégie d’entreprise. [Montreuil], France : Pearson, 2012. 248 p.(Village mondial, ISSN 2107-2620). ISBN : 978-2-7440-6522-4.

Bloch E. Communication de crise et médias sociaux : anticiper et prévenir les risques d’opinion, protéger sa e-réputation, gérer les crises. Paris, France : Dunod, 2012. 209 p.(Fonctions de l’entreprise. Série Marketing, communication, ISSN 1634-9687). ISBN : 978-2-10-056416-3.

Chéreau M. Community management : comment faire des communautés web les meilleures alliées des marques. Paris, France : Dunod, DL 2012, 2012. 184 p.(Tendances marketing, ISSN 2103-4427). ISBN : 978-2-10-057615-9.

Pisani F., Piotet D. Comment le web change le monde : des internautes aux webacteurs. Paris, France : Pearson, 2011. 328 p.(Les Temps changent, ISSN 2105-9233). ISBN : 978-2-7440-6448-7.

 

Sites web

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Guillot F. « Les enseignements du cas Nestlé – Greenpeace ». [s.l.] : [s.n.], 2010. Disponible sur : <

http://internetetopinion.wordpress.com/2010/04/06/les-enseignements-du-cas-nestle-%E2%80%93-greenpeace/ > (consulté le 11 décembre 2012)

Méli B. « Qu’est-ce que l’effet Streisand ? : Greenpeace a fait plier Nestlé – JDN Média ». [s.l.] : [s.n.], 2011. Disponible sur : < http://www.journaldunet.com/ebusiness/marques-sites/effet-streisand/nestle.shtml > (consulté le 11 décembre 2012)

 

• Notes

 

1 Les parties prenantes sont les acteurs plus ou moins concernés par l’activité d’une entreprise : clients, syndicats, employés, riverains, actionnaires, ONG, ect.

4 Interview de J-P Beaudoin dans Bloch E. Communication de crise et médias sociaux : anticiper et prévenir les risques d’opinion, protéger sa e-réputation, gérer les crises. Paris, France : Dunod, 2012. p.24.


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